Bonjour,
Aujourd'hui dans le Figaro ...
le figaro SALMIDE 24 Août 2024
80 ans de la Libération : Heinz Stahlschmidt, le soldat allemand qui a trahi Hitler pour sauver le port de Bordeaux de la destruction
Par Jean Cittone
Publié il y a 3 heures, Mis à jour il y a 2 heures
Alors qu’il avait reçu l’ordre de faire voler en éclats le port, en faisant détonner des explosifs sur les deux rives du fleuve, Heinz Stahlschmidt a choisi de détruire le blockhaus où était entreposé le matériel, sauvant la vie de 3000 Bordelais et préservant l’architecture unique de la ville.
En trahissant sa patrie, il a sauvé Bordeaux du chaos et des flammes. Heinz Stahlschmidt (1919-2010) était un sous-officier de la marine de guerre allemande qui, face à un ordre indigne, a fait le choix de l’honneur. En août 1944, alors que la ville de Bordeaux devait être évacuée, le soldat Stahlschmidt reçoit l’ordre de préparer la destruction du port, en plaçant des mines tous les 50 mètres le long des quais, sur dix kilomètres des deux côtés de la Garonne, entre l’actuel quartier de Bacalan et le quartier Sainte-Croix. Si cet ordre avait été exécuté, Bordeaux n’aurait plus jamais été la même. Le soir du 22 août 1944, une explosion a pourtant eu lieu : celle du blockhaus où était entreposé tout le matériel nécessaire pour anéantir le port.
Alors que la guerre touchait à son terme, un message fatidique arrive de Berlin, ordonnant la destruction des installations portuaires françaises au moment de l'évacuation de l'armée. «Si les travaux de minage sont déjà bien avancés, on lui confie à 24 ans le soin de mettre au point le processus de mise à feu», précise Erwan Langeo, historien spécialiste de l'occupation italo-allemande à Bordeaux et auteur d'un ouvrage intitulé L'Allemand qui a refusé de détruire Bordeaux. «Toujours très consciencieux dans son travail, il va remplir sa mission», tout en essayant de contacter la Résistance. Son objectif est que le bunker renfermant le matériel nécessaire «soit détruit», pour «épargner le port de destructions qu'il juge inutiles». Ses démarches auprès de la Résistance n'aboutissant pas, il détruit lui-même le blockhaus, devant ensuite se cacher pour échapper à ses compatriotes jusqu'à leur départ.
«Cet acte épargna à Bordeaux d'énormes dégâts matériels et des pertes en vies humaines qu'on a estimées à 3000 personnes», écrit l’historien Alain Ruiz. «Mais, du point de vue allemand, Stahlschmidt n'en était pas moins devenu traître et fut considéré comme tel encore longtemps après la guerre, payant d'autant plus cher le prix de sa noble désobéissance que, resté par force à Bordeaux et ayant pris en 1947 la nationalité française en francisant son nom en Henri Salmide, il n'a pas davantage trouvé dans sa nouvelle patrie qu'en Allemagne la reconnaissance qu'il méritait comme héros de la Résistance.»
Dans une interview à Reuters en 1977, Stahlschmidt invoquait sa conscience chrétienne pour justifier cet acte de trahison envers son pays, expliquant qu’il ne pouvait se résoudre à ce que le port de Bordeaux soit inutilement détruit alors que la guerre était perdue. Un geste qui sauva des vies mais bouleversa la sienne. Rayé de la liste des vétérans de la marine allemande éligibles à une pension, il dut attendre 61 ans pour pouvoir retourner à Dortmund, sa ville natale, afin de se recueillir sur la tombe de ses parents. À sa mort, en 2010, il a été inhumé au cimetière protestant de la rue Judaïque à Bordeaux, dans un cercueil recouvert du drapeau bleu blanc rouge.
Aujourd'hui dans le Figaro ...
le figaro SALMIDE 24 Août 2024
80 ans de la Libération : Heinz Stahlschmidt, le soldat allemand qui a trahi Hitler pour sauver le port de Bordeaux de la destruction
Par Jean Cittone
Publié il y a 3 heures, Mis à jour il y a 2 heures
Alors qu’il avait reçu l’ordre de faire voler en éclats le port, en faisant détonner des explosifs sur les deux rives du fleuve, Heinz Stahlschmidt a choisi de détruire le blockhaus où était entreposé le matériel, sauvant la vie de 3000 Bordelais et préservant l’architecture unique de la ville.
En trahissant sa patrie, il a sauvé Bordeaux du chaos et des flammes. Heinz Stahlschmidt (1919-2010) était un sous-officier de la marine de guerre allemande qui, face à un ordre indigne, a fait le choix de l’honneur. En août 1944, alors que la ville de Bordeaux devait être évacuée, le soldat Stahlschmidt reçoit l’ordre de préparer la destruction du port, en plaçant des mines tous les 50 mètres le long des quais, sur dix kilomètres des deux côtés de la Garonne, entre l’actuel quartier de Bacalan et le quartier Sainte-Croix. Si cet ordre avait été exécuté, Bordeaux n’aurait plus jamais été la même. Le soir du 22 août 1944, une explosion a pourtant eu lieu : celle du blockhaus où était entreposé tout le matériel nécessaire pour anéantir le port.
Alors que la guerre touchait à son terme, un message fatidique arrive de Berlin, ordonnant la destruction des installations portuaires françaises au moment de l'évacuation de l'armée. «Si les travaux de minage sont déjà bien avancés, on lui confie à 24 ans le soin de mettre au point le processus de mise à feu», précise Erwan Langeo, historien spécialiste de l'occupation italo-allemande à Bordeaux et auteur d'un ouvrage intitulé L'Allemand qui a refusé de détruire Bordeaux. «Toujours très consciencieux dans son travail, il va remplir sa mission», tout en essayant de contacter la Résistance. Son objectif est que le bunker renfermant le matériel nécessaire «soit détruit», pour «épargner le port de destructions qu'il juge inutiles». Ses démarches auprès de la Résistance n'aboutissant pas, il détruit lui-même le blockhaus, devant ensuite se cacher pour échapper à ses compatriotes jusqu'à leur départ.
Le courage de transgresser
Heinz Stahlschmidt eut «le courage de faire sauter tout seul [le bunker], après avoir attendu en vain l’aide qu’il sollicitait depuis plusieurs jours de la Résistance française pour réaliser ce coup de main», corrobore Alain Ruiz, ancien professeur d’études germaniques à l’Université Bordeaux-Montaigne, dans un texte sur la désobéissance «par devoir d’humanité» publié en 2015. L’historien rappelle que les militaires allemands accusés d’avoir commis des crimes de guerre invoquaient généralement le «Führereid», le serment de fidélité fait à Adolf Hitler devant Dieu. «Peu sont, en général, les Allemands, militaires, fonctionnaires et autres, qui eurent le courage de le transgresser.» Heinz Stahlschmidt fait partie de ce petit nombre. Il s’agissait pourtant d’un «soldat modèle», décoré de la croix de fer, une haute distinction militaire.«Cet acte épargna à Bordeaux d'énormes dégâts matériels et des pertes en vies humaines qu'on a estimées à 3000 personnes», écrit l’historien Alain Ruiz. «Mais, du point de vue allemand, Stahlschmidt n'en était pas moins devenu traître et fut considéré comme tel encore longtemps après la guerre, payant d'autant plus cher le prix de sa noble désobéissance que, resté par force à Bordeaux et ayant pris en 1947 la nationalité française en francisant son nom en Henri Salmide, il n'a pas davantage trouvé dans sa nouvelle patrie qu'en Allemagne la reconnaissance qu'il méritait comme héros de la Résistance.»
Une vie bouleversée
«Il a beaucoup de mal à reprendre le cours normal de sa vie,» abonde Erwan Langeo. «Il se cache dans un premier temps derrière l'identité fournie par les autorités françaises», jusqu’à sa naturalisation en 1947. Ayant trahi sa patrie, Stahlschmidt a donc vécu le reste de sa vie en France, à Bordeaux, devenant démineur puis sapeur-pompier forestier. Son histoire sombra peu à peu dans l’oubli, malgré ce qu’il a fait pour Bordeaux. «Son acte héroïque et désintéressé» ne fut reconnu qu’environ 50 ans après la fin de la guerre, grâce à une enquête d'un journaliste de Sud Ouest parue en 1993, révélant le véritable rôle qu'avait joué Henri Salmide dans la sauvegarde du port de la Lune. Le maire de la ville de l’époque, Jacques Chaban-Delmas, lui remit la médaille de la ville en 1995. Cinq ans plus tard, il a été fait chevalier de la Légion d'honneur.Dans une interview à Reuters en 1977, Stahlschmidt invoquait sa conscience chrétienne pour justifier cet acte de trahison envers son pays, expliquant qu’il ne pouvait se résoudre à ce que le port de Bordeaux soit inutilement détruit alors que la guerre était perdue. Un geste qui sauva des vies mais bouleversa la sienne. Rayé de la liste des vétérans de la marine allemande éligibles à une pension, il dut attendre 61 ans pour pouvoir retourner à Dortmund, sa ville natale, afin de se recueillir sur la tombe de ses parents. À sa mort, en 2010, il a été inhumé au cimetière protestant de la rue Judaïque à Bordeaux, dans un cercueil recouvert du drapeau bleu blanc rouge.