10 octobre 1941
A Bordeaux : la situation économique s’aggrave de jour en jour : on trouve de moins en moins de produits dans les magasins : j’ai cherché en vain de la ficelle (les magasins ne livrent plus aucun paquet ficelé), tout se vide. Les trains se raréfient : on nous dit que c’est faute de combustible… mais sur la ligne Paris-Bordeaux, tout marche à l’électricité, alors ! Au total, très peu de choses à manger, et presque rien pour faire cuire ce « peu » puisque le gaz, l’électricité sont rationnés, le charbon et le bois – à peu près inexistants en ville – la graisse, le beurre, l’huile, rationnés aussi à l’extrême. On se chauffera très difficilement cet hiver.
Presque pas de savon pour laver. Bref, la vie devient d’une extrême difficulté et les gens sont vraiment angoissés à la perspective de l’hiver qui vient.
Les Allemands essaient en ce moment d’en finir avec les Russes avant l’hiver : grande offensive sur tout le front : on embarque tout ce qui est disponible et les trains de troupes et de matériel montent à un rythme accéléré.
10 Nov. 41
Vers le 20, deux officiers allemands des kommandantur de Nantes et de Bordeaux ont été tués par des quidams : aussitôt, représailles allemandes : à Nantes 100 otages arrêtés, 48 fusillés, à Bordeaux, otages arrêtés également, mais devant la réprobation générale, les fusillades sont arrêtées : mais des mesures sévères ont été prises à Bordeaux : circulation interdite entre 5 h du soir et 8 h du matin notamment. Cela a duré une huitaine de jours. On n’a pas trouvé les coupables, mais aucune nouvelle attaque n’a eu lieu. On nous écrit que les 48 fusillés, qui étaient communistes, ont traversé la ville en chantant l’Internationale.
2 Déc 41
Echos de l’atmosphère de révolte provoquée il y a un mois par les fusillades allemandes : il paraîtrait que, bien qu’on ne l’ait pas annoncé, une cinquantaine de Bordelais auraient été fusillés. Il en est résulté une « psychose » de révolte contre les occupants : et il est probable que ceux-ci s’en sont aperçus et, craignant d’aggraver la situation, ont cessé ces manifestations de mauvais goût.
1er Février 1942
je reviens de Bordeaux, où je n’étais pas allé depuis plus d’un mois : d’importantes transformations… restrictives ont eu lieu depuis lors : la pénurie d’électricité en est la cause : le nombre de tramways a été réduit, et il est maintenant quasi impossible de monter dans les voitures en dehors des têtes de ligne : on doit donc la plupart du temps circuler à pied : lorsqu’on a la chance d’être admis à bord, c’est une bousculade et un entassement pénibles. De plus, les magasins n’ouvrent maintenant que de 10 h à midi et de 2 h à 5 h : d’ailleurs la pénurie de marchandises est telle que les grands magasins ont vidé leurs étages et concentré la vente au rez de chaussée (les ascenseurs ne marchent plus). Bref, la vie économique se ralentit encore dans des proportions incroyables. Le cuir est aujourd’hui chose rarissime : pas de gants en cuir : j’ai payé pour cadeau, un portefeuille 630 F (ce qui aurait valu 200 F il y a 2 ans). La disette est toujours grande en ville : on avait dernièrement inauguré à Bordeaux la carte de légumes : or, juste au moment de cette innovation, pas de légumes en raison de la gelée : d’où véhémentes protestations des consommateurs, déçus une fois de plus dans leur espoir de trouver quelque chose à ingurgiter.
A Bordeaux : la situation économique s’aggrave de jour en jour : on trouve de moins en moins de produits dans les magasins : j’ai cherché en vain de la ficelle (les magasins ne livrent plus aucun paquet ficelé), tout se vide. Les trains se raréfient : on nous dit que c’est faute de combustible… mais sur la ligne Paris-Bordeaux, tout marche à l’électricité, alors ! Au total, très peu de choses à manger, et presque rien pour faire cuire ce « peu » puisque le gaz, l’électricité sont rationnés, le charbon et le bois – à peu près inexistants en ville – la graisse, le beurre, l’huile, rationnés aussi à l’extrême. On se chauffera très difficilement cet hiver.
Presque pas de savon pour laver. Bref, la vie devient d’une extrême difficulté et les gens sont vraiment angoissés à la perspective de l’hiver qui vient.
Les Allemands essaient en ce moment d’en finir avec les Russes avant l’hiver : grande offensive sur tout le front : on embarque tout ce qui est disponible et les trains de troupes et de matériel montent à un rythme accéléré.
10 Nov. 41
Vers le 20, deux officiers allemands des kommandantur de Nantes et de Bordeaux ont été tués par des quidams : aussitôt, représailles allemandes : à Nantes 100 otages arrêtés, 48 fusillés, à Bordeaux, otages arrêtés également, mais devant la réprobation générale, les fusillades sont arrêtées : mais des mesures sévères ont été prises à Bordeaux : circulation interdite entre 5 h du soir et 8 h du matin notamment. Cela a duré une huitaine de jours. On n’a pas trouvé les coupables, mais aucune nouvelle attaque n’a eu lieu. On nous écrit que les 48 fusillés, qui étaient communistes, ont traversé la ville en chantant l’Internationale.
2 Déc 41
Echos de l’atmosphère de révolte provoquée il y a un mois par les fusillades allemandes : il paraîtrait que, bien qu’on ne l’ait pas annoncé, une cinquantaine de Bordelais auraient été fusillés. Il en est résulté une « psychose » de révolte contre les occupants : et il est probable que ceux-ci s’en sont aperçus et, craignant d’aggraver la situation, ont cessé ces manifestations de mauvais goût.
1er Février 1942
je reviens de Bordeaux, où je n’étais pas allé depuis plus d’un mois : d’importantes transformations… restrictives ont eu lieu depuis lors : la pénurie d’électricité en est la cause : le nombre de tramways a été réduit, et il est maintenant quasi impossible de monter dans les voitures en dehors des têtes de ligne : on doit donc la plupart du temps circuler à pied : lorsqu’on a la chance d’être admis à bord, c’est une bousculade et un entassement pénibles. De plus, les magasins n’ouvrent maintenant que de 10 h à midi et de 2 h à 5 h : d’ailleurs la pénurie de marchandises est telle que les grands magasins ont vidé leurs étages et concentré la vente au rez de chaussée (les ascenseurs ne marchent plus). Bref, la vie économique se ralentit encore dans des proportions incroyables. Le cuir est aujourd’hui chose rarissime : pas de gants en cuir : j’ai payé pour cadeau, un portefeuille 630 F (ce qui aurait valu 200 F il y a 2 ans). La disette est toujours grande en ville : on avait dernièrement inauguré à Bordeaux la carte de légumes : or, juste au moment de cette innovation, pas de légumes en raison de la gelée : d’où véhémentes protestations des consommateurs, déçus une fois de plus dans leur espoir de trouver quelque chose à ingurgiter.