Bordeaux 1942: Churchill devant le nombre grandissant de navires allemands <<forceurs de blocus>> qui utilisent le port de Bordeaux, donne l'ordre à Lord Louis Mountbatten, alors chef des opérations interarmes d'intervenir. Pas question de bombarder le port, trop de vie humaines sont en jeu. Une opération commando va être montée baptisée "Frankton". Mission impossible!
A la fin de la campagne de France et la signature de l'Armistice du 22 juin 1940, tous les ports français de Dunkerque à Bayonne sont occupés par l'Allemagne. Le port de Bordeaux et son avant-port de Bassens, protégés par l'estuaire de la Gironde, bien équipé et bien relié par voie ferrée et routière à l'Allemagne, va rapidement être un des éléments essentiels du trafic maritime de l'occupant dans l'approvisionnement des matières premières sratégiques pour son effort de guerre, en particulier des minerais et du caoutchouc en provenance d'Extrême-Orient. Quelques chiffres: au cours de l'année 1941, 25 000 tonnes de latex de Malaisie y sont déchargées qui s'ajoutent à d'importante quantité d'étain et de tungstène.
Ces transports maritimes sont assurés par des bâtiments spécialement équipés offensivement et défensivement pour forcer le blocus allié, souvent au prix de lourdes pertes malgré les escortes de la Kriegsmarine. Cependant, entre juin 1941 et avril 1942... douze navires s'amarreront aux quais de Bordeaux. L'avant-port de Bassens, débarquant 45 300 tonnes de marchandises industrielles; en retour, ces bâtiments transporteraient des armes à destination du Japon!
En 1942, Sir Winston Churchill, premier ministre de la Grande-Bretagne sur avis du ministre de la Guerre Economique, Lord Selborne, s'inquiétant de l'importance et de l'accroissement de ce trafic, demande d'intervenir sur ces installations portuaires. Le problème soulevé a déjà fait l'objet d'études d'Etat-Major... quatre options restent retenues: 1) bombardement du port de Bordeaux par la Royal Air Force, 2) renforcement des patrouilles de sous-marins sur zone, 3) largage et mouillage de mines à l'embouchure de la Gironde, 4) attaque directe des navires ennemis par action de commandos.
L'idée du bombardement massif du port est abandonnée en raison du risque de pertes civiles considérables dans une zone de forte concentration urbaine. Dans l'immédiat, on se bornera à poursuivre le minage de l'embouchure de la Gironde et d'accroître l'envoi des sous-marins de la Navy en patrouille dans le Golfe de Gascogne, tout en maintenant la possibilité de l'opération de sabotage des navires à quai dont la faisabilité est confiée au "Combined Operations Headquaters" (C.O.H.Q.), dont Lord Louis Mountbatten vient d'être nommé commandant en chef par Winston Churchill.
Dans son impulsion, le C.O.H.Q. devient un important centre de recherches et de planification soumettant à l'Etat-Major Britannique des projets sortant souvent de la stratégie militaire classique. C'est ainsi que Lord Mountbatten propose au premier ministre le plan d'une mission spéciale de commando, l'attaque des navires à quai et à l'ancre dans le port girondin. Ce sera l'opération "Frankton".
Le lieutenant-colonel <<Blondie>> Hasler en reçoit le commandement (dont il est aussi le co-concepteur avec Mountbatten) et le programme pour le mois de novembre 1942. Six kayaks de mer spécialement conçus, chacun piloté par deux hommes volontaires choisis dans une unité spécialement constituée au sein des "Royal Marines" et entraînée à l'attaque d'objectifs situés dans les ports ennemis. Sous les ordres du lieutenant-colonel Hasler, ils seront transportés non loin de l'embouchure de la Gironde par un sous-marin qui les mettra à l'eau. Ils remonteront le fleuve en se cachant le jour et poseront des mines sur les navires qu'ils trouveront, puis l'action terminée, abandonneront leurs canots et essaieront de rejoindre la Résistance française en Charente (aux environs de Ruffec). Ces six kayaks ont tous un nom:
Catfish, major Hasler, marine Sparks;
Crayfish, caporal A.S. Laver, marine W.N. Mills;
Conger, caporal Sheard, marine Moffat;
Cuttlefish, lieutenant Mackinnon, marine Conway;
Coalfish, sergent Wallace, marine Ewart;
Cachalot, marine Fisher, marine Ellery.
Claude Le Barillier
Vice-président national,
Président UNC Gironde
LVC n° 1740 - 12.2008
Fin de la première partie. A suivre