Ernst Künhemann adorait les quais de Bordeaux, au point de s'y installer. Tout naturellement, il choisit les chartrons, renommés pour leurs belles maisons de courtiers et surtout les chais qui permettent de traverser le quartier de part en part sans eveiller les soupçons ...
Dans le hall de sa résidence, on trouve ceci ...
"Au dessus de nous réside l'ordre suprème d'excercer notre mission au service de notre peuple"
deux bunkers ont été bâtis, parfaitement invisibles de l'extérieur. Le premier à usage civil avec inscription en français "défense de fumer" en forme de petite maison, et l'autre quasi identique à celui de la résidence clémence Isaure de Soulac, pour le personnel allemand.
:kioo: Au même titre que les ports de Royan, Bordeaux et Bayonne, La Hako ou commanderie du port est sous l'autorité du commandant de la défense maritime en Gascogne (SeeKo Gascogne) établi à Royan à l'hôtel du Golf. A partir de la réorganisation des secteurs maritimes de juillet 1941, le territoire placé sous sa juridiction s'étire de la Seudre à la frontière espagnole et est dirigé dans un premier temps par le Kommandant zur see Hans Lipinsky (Commandant naval) puis à partir d'octobre 1943 par la K.z.S. Hans Michaelles (konteradmiral au 1er octobre 1944). La Hako de Bordeaux qui a également une antenne à Arcachon (HaKa) est d'abord dirigée par le Korvetten käpitan Aloïs Stock de juillet 1940 à février 1941, puis par le KK Albert Bennecke jusqu'en juillet de la même année et enfin par celui qui aura la mission d'organiser l'évacuation de Bordeaux et sa région durant l'été 1944 : Ernst Kühnemann.
La mission de la Hako est de faire vivre le port et ses infrastructures. Cet objectif passe par le contrôle et de la sécurité de la navigation et des installations sur la Gironde et dans le port, la gestion du personnel et des stocks de vivres, munitions et combustible ainsi que des réclamations suite aux réquisitions. La Hako dispose d'une police portuaire (hafenuberwachung) qui réglemente les sorties en mer des bateaux de pêche ainsi qu'une compagnie de fusiliers marins (Hafenwachkompanie) affectée à la sécurité des sites.
A bordeaux, les bureaux de la Commanderie sont installés dans le bâtiment des "Chargeurs réunis" à l'angle des allées de Chartres et des quais, au coin droit de l'esplanade des Quinconces. Avec la multitude de services de cette administration, plusieurs autres bâtiments de la même rue et des quais sont également occupés. Ces derniers sont identifiables par leurs caves aménagées en abri avec l'adjonction d'une porte étanche 19P7 à l'intérieur et d'une porte blindée type 446P01 de 420 kilogrammes donnant sur l'extérieur. Il en existe trois dans la même rue. La position est codée Bo 32 par l'occupant et comprend cinq ouvrages principaux parmi lesquels un central téléphonique (32/5) de construction locale. Le premier abri est un poste de secours désigné dans les archives de l'OT comme étant du type 639, pourtant aucun bunker de ce type n'est visible sur les photos d'époque. Nous devons donc envisager, jusqu'à la découverte de nouveaux éléments, à la présence d'un abri de type 661 ou 622 remplissant les mêmes fonctions mais en plus modeste. Un second abri passif avec des croix rouges peintes sur ses façades existait également dans le même secteur, cette fois du coté gauche des Quinconces. La position Bo 32, à proprement parler, s'étend sur une surface d'environ 2000 m2. Plusieurs accès sont possibles puisque chaque construction en possède deux. L'entée principale se situe face au bâtiment de la HaKo ; en sortant et après avoir traversé la voie du tramway de l'époque, il faut descendre un plan incliné qui nous fait pénétrer dans une tranchée à ciel ouvert encadrée de fils barbelés qui dessert l'ensemble des bunkers. Après avoir parcouru une quinzaine de mètres, nous trouvons l'abri 622/2 doté d'une citerne d'eau de réserve de 1700 litres et d'un bloc de toilettes extérieur. Un véhicule peut parvenir à cet ouvrage par un accès en chicane desservant le quai Louis XVIII signalé par une guérite. En reprenant notre chemin, nous franchissons la fosse septique puis après 12 mètres, deux possibilités s'offrent à nous : Sur la droite, nous rejoignons le central électrique et téléphonique constitué de cinq pièces dont deux à usage technique et les trois autres de travail. Cet abri est en liaison avec les différentes unités, HaKo, HaKa et SeeKo du secteur . Les Bordelais se souviennent d'y avoir vu rentrer et sortir des "souris". Ce nom était donné aux auxiliaires féminines dont la couleur de l'uniforme rappelait ce petit animal. Les murs sont épais d'un mètre et renforcés par six contreforts extérieurs noyés dans le remblai de terre qui délimite la position fortifiée. ( La HaKo Bordeaux disposait d'un émetteur Philips sur ondes courtes de 200 Watts, d'un récepteur Lorenz Lo6K et d'un appareil émetteur / récepteur Petersen de 20 Watts) Si nous poursuivons tout droit, nous sommes pris sous l'angle de tir de la caponnière de flanquement de l'abri type 608 32/4, puis après avoir laissé les deux entrées et tourné sur la gauche nous passons devant l'annexe pour groupe électrogène et réserve d'eau. Après un dernier virage à 90° sur notre droite, nous parvenons à la limite de l'enceinte en pierre de l'esplanade des Quinconces. Les pompiers du Port Autonome, de permanence au sein de la HaKo, ont été employés pendant leur service à percer et creuser la dernière tranchée au printemps 1944. Ce dernier tronçon se démarque du reste du réseau puisqu'une dalle bétonnée vient couvrir l'ensemble sur près de neuf mètres avant de déboucher à ciel ouvert sur le dernier abri du type 608 codé 32/3. Il était alors possible de sortir en passant par les escaliers qui longent l'actuel poste de Police des Quinconces qui constituait alors un point de contrôle des allers et venues.
L'ensemble des ouvrages est relié au circuit d'eau courante et au réseau d'électricité de la ville. Les sols sont carrelés, les murs habillés et chaque pièce des types 608 dotées d'un radiateur grâce au chauffage central dont ils sont équipés. L'accès de chacun des blocs est fermé par une grille d'accès (gittertür 291P2) et pour compléter l'ensemble, une réserve d'eau a été aménagée à ciel ouvert parallèlement aux allées de Chartres.
Ernst Kuhnemann apprécie beaucoup le vin et particulièrement ceux de Bordeaux. Cet officier de réserve anti-nazi dirige à Berlin une importante maison de vins , fondée en 1848 par le grand père de sa femme. Il installe naturellement sa résidence au 93/95 quai des Chartrons, où deux bunkers passifs sont construits dans le hall et les dépendances. Depuis la rue, rien ne trahit ces installations exceptées les fausses fenêtres sur la façade. Pour notre part, nous sommes passés et repassés pendant des années sans soupçonner quoi que ce soit et pourtant … Le premier bunker est bâti selon une structure qui s'apparente à la famille VF (Verstärck Feldmässigen) avec des murs épais d'un mètre et une porte d'entrée aux dimensions réglementaires de 0.80 x 1m78. La pièce principale (6.70 x 3.00) pouvait abriter les habitants de l'immeuble en cas d'alerte et aurait dû supporter l'effondrement de ce dernier. A ce sujet, une bombe non éclatée a été ramassée devant le n°96 suite au bombardement de la nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre 1940, avant l'arrivée du Hako en ces lieux. Une sortie de secours sur la rue pouvait être pratiquée au moyen d'une hache pour passer au travers des fausses fenêtres. Le second abri est également appuyé sur l'immeuble mais construit à la façon d'une maison miniature avec deux entrées et un toit en pente supportant une poutre du premier étage. A l'intérieur nous pouvons encore lire en début 2004 "défense de fumer" en français dans le texte. Le plus surprenant était sans nul doute la maxime qui ornait le hall du n°93. A cette adresse, les locataires pouvaient encore lire jusqu'au tout début de l'année 2003 " über uns alten steht der grosse befehl : Du musst im dienst deines volkes deine pflicht tun. " sur près de trois mètres de long (!) rappelant l'importance du travail effectué notamment en tant que devoir envers le peuple. En parcourant les chais, il est très aisé de traverser le quartier tout entier, et de ressortir dans la rue Dupaty, parallèle aux quais de Garonne, solution bien pratique pour aller et venir dans le bâtiment en toute discrétion.
A l'issue du conflit, les allées de Chartres sont rendues à la circulation avec l'ouverture de l'actuelle allée de Bristol. Les travaux sont confiés, après appel d'offre, à l'entreprise Drouard frères de Paris aidée dans sa tache par l'entreprise Latestere. Il est remarquable de noter que les démolitions sont suspendues du 23 juin au 8 juillet 1946 pour cause du retour de La Foire des Quinconces. Le seul vestige de cette position est le 608 32/3 que nous avons redécouvert le 6 décembre 1998, et porté à la connaissance de la mairie de Bordeaux qui en ignorait l'existence. Cet ouvrage a subi un dérasement de 130 centimètres afin de le faire disparaître de la surface de l'esplanade des Quinconces. L'accès à ciel ouvert d'origine a été complété jusqu'à la porte droite, tandis que le sas gauche et la caponnière ont été murés et recouverts. Pour votre promenade, vous découvrirez sur place quelques reliefs dans le bitume désignant l'emplacement des ouvrages, notamment sur les arrêts d'autocars de l'actuelle gare routière.
Dans le hall de sa résidence, on trouve ceci ...
"Au dessus de nous réside l'ordre suprème d'excercer notre mission au service de notre peuple"
deux bunkers ont été bâtis, parfaitement invisibles de l'extérieur. Le premier à usage civil avec inscription en français "défense de fumer" en forme de petite maison, et l'autre quasi identique à celui de la résidence clémence Isaure de Soulac, pour le personnel allemand.
:kioo: Au même titre que les ports de Royan, Bordeaux et Bayonne, La Hako ou commanderie du port est sous l'autorité du commandant de la défense maritime en Gascogne (SeeKo Gascogne) établi à Royan à l'hôtel du Golf. A partir de la réorganisation des secteurs maritimes de juillet 1941, le territoire placé sous sa juridiction s'étire de la Seudre à la frontière espagnole et est dirigé dans un premier temps par le Kommandant zur see Hans Lipinsky (Commandant naval) puis à partir d'octobre 1943 par la K.z.S. Hans Michaelles (konteradmiral au 1er octobre 1944). La Hako de Bordeaux qui a également une antenne à Arcachon (HaKa) est d'abord dirigée par le Korvetten käpitan Aloïs Stock de juillet 1940 à février 1941, puis par le KK Albert Bennecke jusqu'en juillet de la même année et enfin par celui qui aura la mission d'organiser l'évacuation de Bordeaux et sa région durant l'été 1944 : Ernst Kühnemann.
La mission de la Hako est de faire vivre le port et ses infrastructures. Cet objectif passe par le contrôle et de la sécurité de la navigation et des installations sur la Gironde et dans le port, la gestion du personnel et des stocks de vivres, munitions et combustible ainsi que des réclamations suite aux réquisitions. La Hako dispose d'une police portuaire (hafenuberwachung) qui réglemente les sorties en mer des bateaux de pêche ainsi qu'une compagnie de fusiliers marins (Hafenwachkompanie) affectée à la sécurité des sites.
A bordeaux, les bureaux de la Commanderie sont installés dans le bâtiment des "Chargeurs réunis" à l'angle des allées de Chartres et des quais, au coin droit de l'esplanade des Quinconces. Avec la multitude de services de cette administration, plusieurs autres bâtiments de la même rue et des quais sont également occupés. Ces derniers sont identifiables par leurs caves aménagées en abri avec l'adjonction d'une porte étanche 19P7 à l'intérieur et d'une porte blindée type 446P01 de 420 kilogrammes donnant sur l'extérieur. Il en existe trois dans la même rue. La position est codée Bo 32 par l'occupant et comprend cinq ouvrages principaux parmi lesquels un central téléphonique (32/5) de construction locale. Le premier abri est un poste de secours désigné dans les archives de l'OT comme étant du type 639, pourtant aucun bunker de ce type n'est visible sur les photos d'époque. Nous devons donc envisager, jusqu'à la découverte de nouveaux éléments, à la présence d'un abri de type 661 ou 622 remplissant les mêmes fonctions mais en plus modeste. Un second abri passif avec des croix rouges peintes sur ses façades existait également dans le même secteur, cette fois du coté gauche des Quinconces. La position Bo 32, à proprement parler, s'étend sur une surface d'environ 2000 m2. Plusieurs accès sont possibles puisque chaque construction en possède deux. L'entée principale se situe face au bâtiment de la HaKo ; en sortant et après avoir traversé la voie du tramway de l'époque, il faut descendre un plan incliné qui nous fait pénétrer dans une tranchée à ciel ouvert encadrée de fils barbelés qui dessert l'ensemble des bunkers. Après avoir parcouru une quinzaine de mètres, nous trouvons l'abri 622/2 doté d'une citerne d'eau de réserve de 1700 litres et d'un bloc de toilettes extérieur. Un véhicule peut parvenir à cet ouvrage par un accès en chicane desservant le quai Louis XVIII signalé par une guérite. En reprenant notre chemin, nous franchissons la fosse septique puis après 12 mètres, deux possibilités s'offrent à nous : Sur la droite, nous rejoignons le central électrique et téléphonique constitué de cinq pièces dont deux à usage technique et les trois autres de travail. Cet abri est en liaison avec les différentes unités, HaKo, HaKa et SeeKo du secteur . Les Bordelais se souviennent d'y avoir vu rentrer et sortir des "souris". Ce nom était donné aux auxiliaires féminines dont la couleur de l'uniforme rappelait ce petit animal. Les murs sont épais d'un mètre et renforcés par six contreforts extérieurs noyés dans le remblai de terre qui délimite la position fortifiée. ( La HaKo Bordeaux disposait d'un émetteur Philips sur ondes courtes de 200 Watts, d'un récepteur Lorenz Lo6K et d'un appareil émetteur / récepteur Petersen de 20 Watts) Si nous poursuivons tout droit, nous sommes pris sous l'angle de tir de la caponnière de flanquement de l'abri type 608 32/4, puis après avoir laissé les deux entrées et tourné sur la gauche nous passons devant l'annexe pour groupe électrogène et réserve d'eau. Après un dernier virage à 90° sur notre droite, nous parvenons à la limite de l'enceinte en pierre de l'esplanade des Quinconces. Les pompiers du Port Autonome, de permanence au sein de la HaKo, ont été employés pendant leur service à percer et creuser la dernière tranchée au printemps 1944. Ce dernier tronçon se démarque du reste du réseau puisqu'une dalle bétonnée vient couvrir l'ensemble sur près de neuf mètres avant de déboucher à ciel ouvert sur le dernier abri du type 608 codé 32/3. Il était alors possible de sortir en passant par les escaliers qui longent l'actuel poste de Police des Quinconces qui constituait alors un point de contrôle des allers et venues.
L'ensemble des ouvrages est relié au circuit d'eau courante et au réseau d'électricité de la ville. Les sols sont carrelés, les murs habillés et chaque pièce des types 608 dotées d'un radiateur grâce au chauffage central dont ils sont équipés. L'accès de chacun des blocs est fermé par une grille d'accès (gittertür 291P2) et pour compléter l'ensemble, une réserve d'eau a été aménagée à ciel ouvert parallèlement aux allées de Chartres.
Ernst Kuhnemann apprécie beaucoup le vin et particulièrement ceux de Bordeaux. Cet officier de réserve anti-nazi dirige à Berlin une importante maison de vins , fondée en 1848 par le grand père de sa femme. Il installe naturellement sa résidence au 93/95 quai des Chartrons, où deux bunkers passifs sont construits dans le hall et les dépendances. Depuis la rue, rien ne trahit ces installations exceptées les fausses fenêtres sur la façade. Pour notre part, nous sommes passés et repassés pendant des années sans soupçonner quoi que ce soit et pourtant … Le premier bunker est bâti selon une structure qui s'apparente à la famille VF (Verstärck Feldmässigen) avec des murs épais d'un mètre et une porte d'entrée aux dimensions réglementaires de 0.80 x 1m78. La pièce principale (6.70 x 3.00) pouvait abriter les habitants de l'immeuble en cas d'alerte et aurait dû supporter l'effondrement de ce dernier. A ce sujet, une bombe non éclatée a été ramassée devant le n°96 suite au bombardement de la nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre 1940, avant l'arrivée du Hako en ces lieux. Une sortie de secours sur la rue pouvait être pratiquée au moyen d'une hache pour passer au travers des fausses fenêtres. Le second abri est également appuyé sur l'immeuble mais construit à la façon d'une maison miniature avec deux entrées et un toit en pente supportant une poutre du premier étage. A l'intérieur nous pouvons encore lire en début 2004 "défense de fumer" en français dans le texte. Le plus surprenant était sans nul doute la maxime qui ornait le hall du n°93. A cette adresse, les locataires pouvaient encore lire jusqu'au tout début de l'année 2003 " über uns alten steht der grosse befehl : Du musst im dienst deines volkes deine pflicht tun. " sur près de trois mètres de long (!) rappelant l'importance du travail effectué notamment en tant que devoir envers le peuple. En parcourant les chais, il est très aisé de traverser le quartier tout entier, et de ressortir dans la rue Dupaty, parallèle aux quais de Garonne, solution bien pratique pour aller et venir dans le bâtiment en toute discrétion.
A l'issue du conflit, les allées de Chartres sont rendues à la circulation avec l'ouverture de l'actuelle allée de Bristol. Les travaux sont confiés, après appel d'offre, à l'entreprise Drouard frères de Paris aidée dans sa tache par l'entreprise Latestere. Il est remarquable de noter que les démolitions sont suspendues du 23 juin au 8 juillet 1946 pour cause du retour de La Foire des Quinconces. Le seul vestige de cette position est le 608 32/3 que nous avons redécouvert le 6 décembre 1998, et porté à la connaissance de la mairie de Bordeaux qui en ignorait l'existence. Cet ouvrage a subi un dérasement de 130 centimètres afin de le faire disparaître de la surface de l'esplanade des Quinconces. L'accès à ciel ouvert d'origine a été complété jusqu'à la porte droite, tandis que le sas gauche et la caponnière ont été murés et recouverts. Pour votre promenade, vous découvrirez sur place quelques reliefs dans le bitume désignant l'emplacement des ouvrages, notamment sur les arrêts d'autocars de l'actuelle gare routière.